Tête de liste du FN en 2014 à Roquebrune-sur-Argens, il n’a pas obtenu l’investiture pour 2020. Joël Pasquette se présente malgré tout en dénonçant les méthodes de Luc Jousse et de David Rachline qui lui auraient promis en poste à la Communauté d'agglomération en échange de sa "compréhension".
Sous les sourcils broussailleux, le regard est toujours bleu marine. Mais le cœur, lui, a changé de couleur.
Élu à la tête d’une liste Front national en 2014, Joël Pasquette n’a pas obtenu l’investiture de son parti pour 2020. Du coup, il change de crèmerie et se présente à Roquebrune-sur-Argens avec l’onction de Debout la France (DLF).
Bien décidé, avant de se représenter aux électeurs, à dénoncer les "petites magouilles" dont il se veut le témoin incorruptible.
Qu’est-ce qui a provoqué votre départ du RN?
"La parti m’avait promis la tête de liste et l’investiture pour les prochaines municipales; ça n’a pas été le cas. J’ai donc rendu ma carte."
Quand vous dites "le parti", vous visez David Rachline?
"[Il hoche la tête] Au printemps dernier, il m’a reçu dans son bureau. Je lui ai dit que je souhaitais, comme en 2014, diriger une liste. Il m’a répondu: "Pas de problème! Demande l’investiture; j’appuierai ta candidature. Et on se revoit en septembre"."
Vous vous êtes revus à la fin de l’été?
"Oui. Après le conseil municipal de rentrée. Mais là, le ton avait changé. David me dit: "Il faut voir. Tu n’es pas tout seul…"."
Vous aviez senti le vent tourner?
"J’avais appris que Fabrice Curti [adjoint aux sports de Fréjus, N.D.L.R.] organisait des réunions politiques à Roquebrune avec Alain Siino et Patrice Amado. Non seulement sans m’inviter, mais en plus sans me prévenir! Tout cela avec la bénédiction de Luc Jousse, grand copain de Rachline, qui entend continuer à gérer la ville depuis la Thaïlande. [Il sourit] Je sentais venir le coup fourré…"
Vous avez évoqué ce sujet avec Fabrice Curti?
"Bien sûr! Je l’ai chopé à la mairie. On a discuté pendant trois quarts d’heure. Je lui ai dit que ce n’était pas des façons de procéder! Mais pour lui, c’était normal. Il m’a répondu qu’il était mandaté par David pour voir "qui était le meilleur candidat pour Roquebrune". [Il grimace] ça fait toujours plaisir…"
Et Luc Jousse?
"Il a débarqué courant septembre. À ce moment-là, le candidat de l’ancien maire n’était plus Siino mais Amado. Un jour, il me téléphone pour m’inviter à dîner le 4 octobre à l’Ilot Bar. J’accepte. Et je me retrouve dans une réunion avec plein de monde dont Patrice Amado. [Il fronce les sourcils] Jousse avait son portable ouvert, avec Amado à sa droite, et il plaçait ses amis: "Celui-là, tu le mets premier adjoint, celui-ci à tel poste", etc. Il faisait son business, quoi!"
Quelle a été votre réaction?
"J’étais scié! À un moment, Luc m’interpelle et me demande mon avis sur un gars. Je lui réponds que je ne suis pas venu pour ça. Puis je chope Amado pour lui annoncer que j’ai demandé l’investiture du RN. Jousse arrive, il entend, il fait des bonds: "Ça va pas, je vais te massacrer!". Il me dit qu’il va en parler à David, que Jouniaux [Julien Jouniaux, chef de cabinet de David Rachline] va m’appeler. Et que je ne serai pas tête de liste. Je suis parti."
"IL VA TE CONFIRMER QU’ON T’A RÉSERVÉ UN POSTE À LA CAVEM"
Ensuite?
"Le lendemain, je reçois un message vocal de Luc Jousse. Je vous le fais écouter… [Il active la messagerie de son smartphone. Une voix articule: "Joël, bonsoir c’est Luc. On sort de [chez] David, la réunion s’est bien passée. Bon, voilà, c’est clair: le candidat de l’union des droites, avec le soutien RN, c’est Amado. Julien Jouniaux va t’appeler. Il va te confirmer qu’on t’a réservé un poste à la Cavem. David n’a pas le temps, demain il part, il est très occupé. Tout va bien se passer. Fais-moi confiance et ça roule!"]"
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de poste à la Communauté d'agglomération?
"Un peu avant qu’on se voit, Jousse m’avait proposé de ne pas me présenter à Roquebrune et que j’allais avoir un poste à la Cavem à 2.500 euros par mois. Je lui ai répondu: "Moi, on ne m’achète pas". Il m’a dit que j’étais con…"
Vous avez revu Rachline?
"Lorsque j’ai voulu le rencontrer, il n’était pas là. J’ai été reçu par Jouniaux et Curti. C’est Jouniaux qui m’a confirmé que je ne serai pas tête de liste, que le RN allait soutenir Amado. Je leur ai dit que pour moi, c’était inacceptable."
"JE CROIS QUE DAVID [RACHLINE] EST MAL ENTOURÉ ET MAL CONSEILLÉ"
Vous avez donc décidé de rejoindre Debout la France?
"Pas immédiatement. Au début, je pensais me présenter sans étiquette. Mais Fabien Hurel [Ancien membre du RN, il a rejoint DLF en 2018 et figurait en 59e position sur la liste de Nicolas Dupont-Aignan aux élections européennes] m’a contacté et m’a offert le soutien de son parti. J’ai accepté en n’y mettant qu’une condition: que Francesco Lio, le président de la Sarget, ne figure pas sur ma liste. Ce qui a été validé."
Que pensez-vous de la déclaration de Thierry Sarrauton, ancien de DLF candidat à Fréjus (notre édition du 9 novembre), qui estime que Dupont-Aignan "ramasse" tous ceux qui ont quitté le RN?
"Ce sont des propos de caniveau."
Et Williams Aureille, ancien N° 3 de la mairie de Fréjus, qui affirme que "la direction du parti ne favorise pas l’expérience"?
"C’est exactement ça! Quand on voit que Rachline parachute un Toulonnais [Frank Giletti, N.D.L.R.] à Puget et qu’il n’investit pas de candidat RN à Roquebrune, on se demande quelle est sa stratégie. Sans Roquebrune, même si Giletti gagne à Puget, le RN ne peut pas être certain d’obtenir la majorité à la Communauté d’agglo."
À titre personnel, estimez-vous avoir été trahi par Rachline?
"[Il soupire] En tout cas, je suis très déçu. Je crois que David est mal entouré et mal conseillé. Notamment par Fabrice Curti, mais il n’est pas le seul…"
Source Var Matin